Le monument du Montmort

Le monument du Montmort

Au siècle dernier, le crime crapuleux de Claude Burdy à Guerfand a pu être élucidé grâce aux prémices des techniques scientifiques.

De retour de la foire d’Ouroux en fin d’après-midi, l’agriculteur Claude Burdy a été sauvagement assassiné le 5 novembre 1895 de deux coups de fusil au lieu-dit « Montmort », à seulement quelques mètres du bourg de Guerfand. Quelques heures plus tard, à la tombée de la nuit, les deux frères Thibert découvriront son corps, allongé, le tronc et la tête dans l’herbe sur le bas-côté, et les jambes sur la chaussée…

Le mobile du crime ? Sans doute un vol, puisqu’il venait de vendre des bêtes. « Mais c’était son associé qui avait l’argent, se souvient l’un de ses descendants. Il ne devait avoir sur lui que 7 francs de l’époque et sa montre en or, qui n’a même pas été dérobée, puisque nous l’avons toujours. »

Une enquête est très vite ouverte. Sur la scène du crime, les gendarmes retrouvent des bourres, en partie sur place et dans les 50 mètres à la ronde. L’assassin ayant sans doute fouillé la victime pour lui subtiliser ses effets personnels, les bourres* ont donc sans doute été dispersées par le vent.

* La bourre est un tampon de calage d’une charge explosive dans une cartouche, par exemple.

Des indices rares

Dans cette affaire, les indices se font rares et les fouilles minutieuses. Les enquêteurs étant de plus en plus nombreux au fil des heures sur la scène du crime, des traces vont ainsi être découvertes à 20 mètres de là, s’en allant en direction de « Cortot ». Suffisamment pour se rendre compte que l’individu était chaussé de sabots pointus, dont la dimension était relativement petite pour un homme. Arrivés à la lisière du bois, les gendarmes ont retrouvé « le contre-pied du criminel », c’est-à-dire le chemin par lequel il était venu. Il a traversé le chemin de blé vert, et a suivi entre les sillons pour venir jusqu’à la route du crime. Après, plus rien.

Le mode opératoire du meurtrier ressemble à s’y méprendre à d’autres affaires. Des recherches actives sont donc faites. Un rôdeur a même été vu dans les coins cet après-midi du 5 novembre 1895.

L’autopsie de Claude Burdy va également parler. Deux blessures ont ainsi été constatées. La première occasionnée par un coup de fusil chargé à plomb n°4, tenant tout le côté depuis l’aisselle jusqu’au bas des reins sur une longueur de 40 centimètres et une largeur de 20 centimètres environ. La seconde a traversé les poumons. Les témoins confirmeront aussi par leurs déclarations ces deux coups de fusil à cinq minutes d’intervalles au moins. Le témoignage clé viendra d’une ménagère de passage sur la route où l’assassin était embusqué.

Un suspect muet

Malgré quelques soupçons portés sur un jeune d’une vingtaine d’années demeurant dans le village voisin de l’Abergement-Sainte-Colombe, cette enquête est restée longtemps sans résultat. Le suspect principal n’a eu de cesse de déclarer aux gendarmes qu’il n’avait pas de fusil, jusqu’au jour où un cultivateur révélera lui en avoir vendu un dans le courant de l’année 1891. L’arme a donc été inspectée par un armurier, concluant qu’il s’agissait bien de la même que celle qui avait dû servir au meurtre de Claude Burdy. La confirmation viendra de deux lettres envoyées par le suspect au tribunal et dont le papier semblait avoir quelque rapport avec la bourre trouvée près du cadavre de la victime.

Le cahier accusateur

A la suite d’une perquisition au domicile familiale de ce jeune homme, les enquêteurs ont découvert un cahier caché dans une armoire. Après examen, les feuilles qui le composaient avaient été rognées d’une façon maladroite, si bien qu’il était facile de reconnaître la trace de coups de ciseaux irrégulières ayant dessiné sur le bord des courbes et des dentelures. Or, ces mêmes irrégularités se retrouvaient à l’identique sur les lettres et sur les bourres dont les dentelures coïncidaient avec celles des feuillets restants du cahier. Le meurtrier a donc été ainsi retrouvé, trahi par un cahier.

En août 1896, au terme d’un procès-fleuve, ce jeune homme a été condamné aux travaux forcés à perpétuité.

La même année, à la mémoire de Claude Burdy, les communes et les souscripteurs du canton de Saint-Martin-en-Bresse ont érigé un monument, marquant dans la pierre à jamais l’horreur de ce crime commis le 5 novembre 1895.

Les articles de presse de l’époque : Le Stéphanois et L’Est Républicain